Le retour à la prudence aux États-Unis accentue les pressions sur le dollar canadien
La plus récente décision de la Réserve fédérale américaine, soit une réduction de 25 points de base (un quart de point de pourcentage) de son taux directeur n’a pas surpris les analystes. En revanche, le message qui accompagnait cette réduction a été toute une surprise pour le marché. Le président de la Fed, Jerome Powell, a souligné le fait que le processus avait amorcé une « nouvelle phase », marquée par la prudence et une surveillance étroite de l’inflation. Le message est clair : le rythme des réductions de taux ralentira l’année prochaine. Mais qu’en est-il du graphique à points? Cet indicateur a été une vraie balle courbe. Au lieu des trois baisses de taux en 2025 que la plupart des analystes attendaient, la projection médiane de la Fed est de seulement deux baisses, ce qui a fait grimper le taux à long terme prévu à un sommet inégalé depuis six ans.
Ce changement n’est pas dénué de logique. Même si elle a ralenti, l’inflation persiste et le mandat de M. Powel tire à sa fin. Il lui reste 17 mois à la présidence de la Fed et il ne souhaite probablement pas devenir le nouvel Arthur Burns (le président de la Fed qui a laissé l’inflation s’emballer). Il est donc disposé à maintenir une politique monétaire restrictive si cela permet de contenir l’inflation. Il a mentionné plusieurs fois que le marché de l’emploi, certes moins tendu qu’en 2019, n’est pas un obstacle à un retour de l’inflation au taux cible. Le message est clair : M. Powel ne souhaite prendre aucun risque.
Les marchés n’ont toutefois pas très bien accueilli cette volonté de prudence. La « règle des 20 » (un indicateur de valorisation simple qui compare le ratio bénéfice/cours de l’indice S&P 500 à l’inflation) peut expliquer, en grande partie, la réaction du marché. Lorsque les baisses de taux prévues ne semblent pas en voie de se concrétiser, les valorisations boursières en prennent un coup et cette semaine n’a pas fait exception. Les petites capitalisations ont été les plus touchées, perdant jusqu’à 5 %, et le Nasdaq a connu sa pire séance depuis l’effondrement dû aux opérations de portage (carry trade), en juillet. Et le Dow a connu un repli de 10 séances consécutives, sa plus longue série ininterrompue de pertes depuis 1974. Les titres technologiques n’ont pas été les seuls à souffrir, cependant. Tous les secteurs ont connu un décrochage dû aux valorisations.
Le marché obligataire n’a pas été épargné non plus. La courbe des taux des titres à 3 mois/10 ans, qui était inversée depuis 2022, s’est finalement désinversée, les taux à long terme ayant augmenté. Le dollar américain a pleinement profité du chaos.
Le dollar canadien a été pris dans les tirs croisés. Le chaos politique causé par le départ de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, avait déjà des répercussions. Toutefois, après l’annonce de la Fed, la divergence d’orientation accrue entre la Banque du Canada et la Fed a exercé des pressions baissières sur le huard. La Banque du Canada réduit les taux à un rythme plus énergique, signalant une volonté d’assouplir encore sa politique monétaire en 2025. Cette divergence croissante des deux banques centrales a entraîné une baisse du dollar canadien, qui a atteint son plus faible niveau depuis le début de 2020. La monnaie canadienne fait les frais de cette divergence et sa valeur est plombée par les différentiels de taux d’intérêt et la vigueur du dollar américain.
Nous vous souhaitons un beau temps des Fêtes, rempli de chaleur et de joie. On se revoit le 10 janvier!
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