Sur la route de la retraite

Bien des personnes retraitées envisagent un mode de vie non conventionnel pour faire durer leur épargne.

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Au printemps, il y a six ans, Peggy Dent, 72 ans, et sa conjointe, Annette Dusa, 63 ans, ont fait leurs adieux à la maison dans laquelle elles habitaient depuis 12 ans.

Leur maison de deux étages de style néocolonial, située en Orégon, était devenue bien trop grande pour deux personnes.

Peggy raconte que la propriété siphonnait leur argent et leur énergie.

« Nous avions l’impression d’être des esclaves de la banque, indique-t-elle. Nous lui versions de l’argent pour vivre dans notre maison. »

Elles ont donc vendu la propriété pour la somme de 550 000 $ US, ont empoché ce qui restait du produit de la vente et se sont rendues en auto jusqu’à Winter Garden, en Floride, pour trouver un nouveau logis.

Toutefois, plutôt que de visiter des maisons, Peggy et Annette se sont retrouvées chez un concessionnaire de véhicules récréatifs (VR) et ont pris une décision qui allait changer leur vie. Elles sont devenues résidentes permanentes d’une autocaravane Newmar flambant neuve de 38 pieds.

Depuis, le couple semi-retraité et leurs deux bergers australiens arpentent les routes pour explorer les beaux panoramas du Canada, depuis les Maritimes jusqu’en Colombie-Britannique.

« L’entretien de la maison était devenu un fardeau écrasant et nous avions envie de tout quitter et de faire autre chose », indique Peggy. Nous étions rendues à un point de notre vie où plus rien ne nous retenait. On s’est dit : « prenons la route et allons visiter des coins de pays que nous n’avons pas encore vus. »

Elles ne sont pas seules dans ce cas.

Un nombre croissant de personnes retraitées envisagent de modifier radicalement leur mode de vie parce que l’inflation et les frais hypothécaires grugent leur épargne-retraite.

Certaines vendent leur maison et déménagent dans des villes plus abordables; d’autres emménagent avec leurs enfants. Un nombre croissant de retraités adoptent le nomadisme automobile, un mode de vie habituellement associé à de jeunes aventuriers de 20 ans de la région de Vancouver.

« Nous constatons vraiment un boom dans les ventes auprès des personnes retraitées désireuses de vivre de nouvelles expériences », indique Shane Devenish, président de l’Association canadienne de véhicules récréatifs, un organisme sans but lucratif qui travaille étroitement avec les intervenants de l’industrie à l’élaboration de normes et de codes applicables aux VR.

« Il y a des gens qui veulent utiliser leur autocaravane pendant un an ou deux puis la vendre; d’autres ont adopté ce mode de vie de façon permanente. »

En 2021, l’institut international d’études de marché Ipsos révélait que 35 % des utilisateurs et utilisatrices à temps plein de VR aux États-Unis avaient plus de 55 ans et près de 50 % étaient à la retraite.

Au Canada, Ipsos a constaté qu’en 2023, 17 % des adeptes de VR (à temps plein ou saisonniers) avaient 55 ans ou plus. Par ailleurs, le nombre total d’utilisateurs et utilisatrices a augmenté. Les achats d’un premier VR ont doublé au cours des deux dernières années, passant de 6 % en 2021 à 12 % en 2023.

Bien que plusieurs idéalisent la frugalité du nomadisme automobile, qui valorise les expériences plutôt que les biens matériels, un grand nombre de personnes retraitées devront faire des sacrifices comme déménager dans un espace plus petit pour vivre décemment.

Selon une étude effectuée par Deloitte auprès de 4 000 personnes retraitées et proches de la retraite âgées de 55 à 64 ans, 55 % des Canadiens et Canadiennes qui approchent de la retraite devront modifier considérablement leur mode de vie pour ne pas épuiser leur épargne de leur vivant.

Selon Hwan Kim, associé chez Deloitte Canada et coauteur de l’étude, « bien des personnes retraitées pourront au moins compter sur les programmes gouvernementaux, qui visent à couvrir les besoins minimums. Mais c’est peu ».

Hwan indique que, au Canada, les gens de la classe moyenne ne pourront probablement pas vivre la vie qu’ils désiraient avoir à la retraite et pourraient même se retrouver dans le groupe des personnes à faible revenu.

« C’est une population qui vivra à coup sûr beaucoup d’anxiété au sujet des frais imprévus parce qu’elle n’a pas de latitude pour y faire face », ajoute-t-il.

Cela s’explique en partie par le fait que la population canadienne vit plus longtemps. Le rapport mentionne également que l’habitation des personnes retraitées constitue souvent une part importante de leur patrimoine.

Il est risqué de compter sur un bien immobilier parce que c’est un bien moins liquide (plus difficile à convertir en argent comptant) et que le marché est volatil.

Selon le rapport, au Canada, la valeur du logement représentait 46 % de l’actif net des particuliers en 2019, comparativement à 38 % en 1999. Entretemps, le prix des maisons a progressé de plus de 318 % entre 2000 et 2020.

Le rapport suggère que les personnes qui approchent de la retraite devront avoir mis de côté au moins 340 000 $, incluant l’épargne-retraite, pour avoir un mode de vie modeste jusqu’à 82 ans, l’espérance de vie moyenne au Canada.

Sara McCullough, CFP vivant en Ontario, indique que les personnes retraitées ne devraient pas compter sur la valeur de leur maison lorsqu’elles planifient leur retraite. Outre l’incertitude liée au fait d’aller s’installer dans un endroit inconnu, il peut être difficile sur le plan émotionnel de quitter un lieu rempli de souvenirs.

« J’ai remarqué que les gens qui vivent à un endroit où ils ne sont pas à l’aise ont tendance à dépenser plus. C’est lié au stress.

Vendre son habitation pour louer un logement plus petit peut aussi être coûteux, car les locataires sont de plus en plus exposés à des « rénovictions » et que les loyers explosent.

Peggy et Annette connaissent bien les défis de la vie nomade. Il faut dire adieu à ses habitudes et à des objets auxquels on tient.

Peggy mentionne qu’il peut être frustrant, en chemin, d’arrêter à une nouvelle épicerie qui ne propose pas les produits qu’on aime.

L’un des aspects les plus difficiles de leur déménagement a été de décider si elles devaient vendre les meubles fabriqués à la main par le père de Peggy. Elles ont finalement décidé de les entreposer, ce qui leur coûte quelques centaines de dollars par mois.

« Parfois, déménager ne nous procure par les avantages financiers qu’on souhaitait », indique Sara.

« Ceux et celles qui doivent modifier radicalement leur mode de vie devraient réfléchir à des moyens créatifs de garder leurs souvenirs bien vivants », ajoute-t-elle.

Sara estime que l’art numérique offre des possibilités surprenantes et que Peggy pourrait prendre des photos du précieux cadeau de son père et les afficher sur un « mur d’honneur ».

Traduction d’un article d’Ana Pereira publié dans The Toronto Star; sa diffusion a été autorisée par DiveMarketplace d’Industry Dive. Pour toute question sur les droits de reproduction, contactez legal@industrydive.com.

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