Dans sa mise à jour économique présentée mardi, la vice-première ministre et ministre des Finances Chrystia Freeland établit un déficit de 327,7 milliards $ pour l’exercice précédent de 2020-2021, et de 144,5 milliards $ pour l’année en cours. En comparaison, les prévisions de déficits du budget au printemps s’élevaient à 354,2 milliards $ et à 154,7 milliards $ respectivement.
Les déficits budgétaires auraient pu être plus bas, mais pandémie oblige, le gouvernement fédéral a mis de côté des milliards pour continuer d’aider les particuliers et les entreprises affectées par la COVID-19. Aux presque 10 milliards $ déjà budgétés pour l’année en cours, on est venu ajouter environ 4,5 milliards $ de diverses dépenses en raison du variant Omicron.
Preuve que la virus n'est jamais trop loin, la ministre Freeland était présente de manière virtuelle pour livrer son discours et pour sa conférence de presse aux journalistes mardi. Elle dit s'être placée en isolement préventif par excès de prudence après que deux de ses employés, avec qui elle n'a pas été en contact, eurent reçu des résultats positifs de COVID-19.
«Je veux souligner que je ne veux pas de nouvelles mesures de confinement», a-t-elle réitéré aux journalistes, de son écran.
«Mais c’est prudent pour le gouvernement de provisionner de l’argent dans le cas où ce sera nécessaire. C’est aussi important pour le fédéral d’envoyer un message aux provinces, aux territoires, aux municipalités que si vous devez faire des choses difficiles mais nécessaires pour protéger la santé, le fédéral sera là pour aider les entreprises et les gens», a-t-elle ajouté.
Le gouvernement fédéral a également mis de côté 1,7 milliard $ pour pouvoir fournir 180 millions de tests rapides aux provinces et territoires et 2 milliards $ sur deux ans pour se procurer des médicaments thérapeutiques contre la COVID-19.
Les récentes catastrophes naturelles en Colombie-Britannique ont aussi forcé le gouvernement à se réserver 5 milliards $ pour couvrir les frais de réparation et de recouvrement.
Et, tel que confirmé par le gouvernement fédéral la veille, près de 40 milliards $ sont réservés pour régler les litiges avec les enfants autochtones qui ont été retirés de leurs foyers. La moitié servira à les indemniser et l’autre moitié servira à améliorer le système de protection de l’enfance. Les fonds sont étalés dans les prévisions budgétaires jusqu'en 2026-2027.
En entrevue, Robert Asselin, vice-président des politiques publiques du Conseil canadien des affaires, a noté la bonne performance de l'économie canadienne, tout en disant que cette situation s'est créée grâce à la hausse du coût de la vie.
«En général, l'économie se montre beaucoup plus forte et résiliente qu'on croyait il y a six mois. Autrement dit, en termes de revenus, des performances beaucoup plus impressionnantes qu'on pensait causées par deux choses: entre autres, le prix du pétrole qui est beaucoup plus élevé qu'on croyait, mais aussi l'inflation qui aide au niveau des revenus du gouvernement», a-t-il analysé.
Un argumentaire qu'a réfuté Mme Freeland, qui a tenu à souligner à gros traits les bonnes nouvelles incluses dans sa mise à jour.
«L'économie est plus forte. Le PIB a crû de 5,4 % au troisième trimestre et les chiffres de l'emploi sont nettement meilleurs que prévu, on a récupéré 106 % des emplois depuis le creux de la récession causée par la COVID. Ça a un réel impact, au final, car quand les gens travaillent, nous n'avons pas à les soutenir avec notre filet social et ils contribuent à l'économie», a-t-elle martelé.
Demandes de l'opposition
Dans sa mise à jour économique, le gouvernement s’est aussi assuré de répondre, en partie, à des demandes du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique (NPD) concernant le Supplément de revenu garanti (SRG) pour certains aînés.
Il propose de verser jusqu’à 742,4 millions $ afin d’effectuer des paiements ponctuels, en mai 2022, pour ces prestataires du SRG qui ont vu certaines de leurs prestations baisser parce qu’ils ont touché des prestations économiques liées à la COVID-19.Une solution qui paraît «acceptable» aux yeux du critique bloquiste en matière de finances, Gabriel Ste-Marie, qui s'est empressé d'y ajouter un «gros bémol».
«Il va y avoir une allocation extraordinaire pour ces aînés-là pour régler le problème, mais pas avant Noël, pas avant le jour de l'An. (...) Ça ne fera pas des Fêtes ben, ben joyeuses pour ces aînés-là. Toutes nos pensées les accompagnent», a lancé M. Ste-Marie, du foyer de la Chambre des communes, mardi en fin de journée.
Finalement, le gouvernement compte créer le Fonds pour la résilience des travailleurs du secteur des spectacles sur scène du Canada, à hauteur de 60 millions $.
L’appui au secteur culturel était une autre des conditions sine qua non du Bloc québécois en échange de son appui au projet de loi C-2, mais M. Ste-Marie dit avoir été convaincu par Mme Freeland et son collègue Pablo Rodriguez, lors de leur récent passage au comité des finances, qu'ils planchent sur une autre solution qui va satisfaire les demandes de son parti.
Le Parti conservateur et le NPD ont tous deux déploré le manque de mesures pour contrer la hausse du coût de la vie.
«Ce n'est pas suffisant, les mesures que le gouvernement a prises pour répondre aux besoins des gens. Donc on exige encore du gouvernement qu'il réponde à l'inflation avec des mesures pour réduire la pression qui augmente les prix du logement avec une taxe sur les achats étrangers, les gens qui "flippent" les maisons», a raillé le chef néo-démocrate Jagmeet Singh.
«Les Canadiens ne peuvent plus se permettre les taxes, les impôts et les dettes élevées des libéraux. C'est simple: ça va paralyser notre économie et augmenter les prix encore et encore», a renchéri le chef conservateur Erin O'Toole.
Catherine Lévesque, La Presse Canadienne
Cet article est la traduction d’un article publié par La Presse Canadienne et sa diffusion a été autorisée par le réseau d’éditeurs Industry Dive. Adressez toute question sur les droits de reproduction à legal@industrydive.com.