L’éternelle question qui consiste à savoir si l’argent fait le bonheur laisse perplexes les philosophes et les économistes depuis des siècles. La croyance populaire veut que l’argent, au-delà des besoins de base, ne peut satisfaire la quête du bonheur. Toutefois, les recherches dressent un tableau plus nuancé.
Plus jeune, j’entendais souvent la phrase : « L’amour de l’argent est la racine de tous les maux ». Cet adage nous prévient que de donner à l’argent la priorité sur tout le reste ronge l’âme, car l’argent deviendra notre dieu. Maintenant que je suis dans la soixantaine, après avoir eu cinq garçons et 15 petits-enfants, je crois que le plus grand danger est d’avoir le culte de l’argent en renonçant à son autonomie et en cherchant à tout prix à faire fructifier son argent plutôt qu’à aspirer à la richesse (le bonheur).
Dans ce contexte, l’« argent » est un objet ou une marchandise, quelque chose à contrôler, alors que la « richesse » consiste à avoir suffisamment d’amour, d’amis, de passe-temps, de temps et d’argent. Ainsi, l’argent est une composante de la richesse, mais n’est pas la richesse en soi.
Un plateau du bonheur à 75 000 $ US?
Une recherche fondamentale menée en 2010 par l’économiste Angus Deaton et le psychologue Daniel Kahneman a relevé que, dans une certaine mesure, un revenu plus élevé est corrélé à une plus grande satisfaction au quotidien. Mais cet effet disparaît lorsque le salaire annuel atteint le seuil d’environ 75 000 $ US (108 000 $ US aujourd’hui). Au-delà de ce seuil, avoir plus d’argent ne semble pas rendre plus heureux.
Cette recherche a soutenu le paradigme de mes premières années. Ce qu’on m’a enseigné au secondaire et à l’université est que l’argent fait le bonheur dans la mesure où les besoins de base sont satisfaits. Après ce point, l’augmentation des revenus produit un effet décroissant. Ainsi, la recherche initiale est devenue une règle empirique dans les conversations philosophiques portant sur le bonheur et l’argent. Pour sa part, Matthew Killingsworth de la Wharton School à l’Université de Pennsylvanie a récemment présenté des résultats qui remettent en question la théorie de l’atteinte du plateau. Ses recherches révèlent qu’il n’existe pas de seuil monétaire à partir duquel l’argent réduit sa capacité à améliorer le bien-être. Au contraire, son incidence positive semble persister et même s’accroître à tous les niveaux de revenu.
L’explication de ce phénomène réside dans la perception du contrôle. L’argent donne accès à une liberté et à des options qui sont difficilement atteignables autrement. Alors que les revenus augmentent, les options quant au mode vie augmentent aussi. Cette autonomie et ces occasions accrues améliorent à leur tour le bien-être.
L’argent et le bien-être subjectif
Une analyse collaborative menée par des chercheurs de l’Université de Pennsylvanie et de l’Université de Princeton révèle une relation complexe entre l’argent et le bien-être subjectif. Leurs recherches décrivent le lien entre l’augmentation des revenus et l’amélioration de l’humeur au quotidien pour la plupart des gens, tout en identifiant un sous-groupe pour qui des revenus plus élevés ne parviennent pas à accroître le sentiment de bonheur.
Trois conclusions clés méritent d’être prises en considération. Premièrement, il y a la notion qu’au-delà d’un certain seuil, l’argent additionnel cesse d’avoir une incidence significative sur le bien-être. Deuxièmement, une perspective opposée suggère qu’il n’y a pas de limite perceptible, l’argent améliorant constamment la qualité de vie à mesure que les revenus augmentent, puisque l’autonomie et les possibilités offertes s’en trouvent accrues. Troisièmement, les chercheurs ont constaté qu’il y avait un segment de la population pour qui l’argent n’avait pas une grande incidence sur le bonheur, et ce, peu importe leur niveau de revenu.
Une collaboration constructive
En vue de concilier leurs conclusions contradictoires, les chercheurs ont adopté une approche collaborative avec la professeure Barbara Mellers, une arbitre tiers impartiale. Dans leur collaboration contradictoire, ils ont intégré une analyse statistique rigoureuse de données antérieures portant sur les niveaux de revenu et de bonheur.
De plus, leur approche exploratoire encourageait la remise en question directe des hypothèses sous-jacentes entre les deux camps. À travers cet échange constructif, alimenté par un examen approfondi des données et un débat des idées dans l’ensemble de l’équipe, l’objectif était de parvenir à une synthèse de haut niveau.
Alors, qu’en est-il? Est-ce que le lien entre l’argent et le bonheur s’estompe ou se renforce? Killingsworth a résumé les conclusions de la manière suivante.
« Pour la plupart des gens, des revenus plus élevés sont associés à un plus grand bonheur. Les personnes qui sont financièrement aisées, mais malheureuses, forment une exception. Par exemple, si vous êtes riche et misérable, plus d’argent ne vous sera d’aucune aide. Mais pour tous les autres, nous avons observé qu’une hausse du revenu était associée à un plus grand sentiment de bonheur, et ce, peu importe le niveau de revenu des gens, même lorsqu’ils sont fortunés. »
Ces conclusions corroborent mes propres constatations sur le fait de donner à l’argent la priorité sur les aspirations et les gens. Lorsque l’on perçoit l’argent comme un indicateur de succès ou que l’on fait de trop grands sacrifices pour en gagner, le bonheur s’effrite rapidement. Killingsworth a noté que les personnes qui associaient argent et succès se sont retrouvées plus malheureuses malgré un revenu plus élevé.
Ce qu’il faut retenir
Renoncer à son équilibre pour la gloire et l’argent ne fonctionne pas. La véritable prospérité réside dans une stabilité financière fusionnée à des relations et à un engagement qui donnent un sens à la vie. Si l’argent vous donne un sentiment de vacuité, celui-ci ne sera jamais comblé par l’argent.
Traduction d’un article de Richard P. Himmer, Ph. D., publié par Kiplinger, dont la diffusion a été autorisée par DiveMarketplace d’Industry Dive. Pour toute question sur les droits de reproduction, communiquez avec legal@industrydive.com.