Toute relation de couple repose sur le partage, mais pour les finances, les choses peuvent se corser. Pensons entre autres aux comptes bancaires partagés (appelés comptes conjoints) : diverses données indiquent que les couples bénéficient d’une fusion complète de leurs finances, mais les jeunes délaissent de plus en plus cette pratique, et quantité de spécialistes des finances la déconseillent.
Quelle que soit leur provenance, les conseils qu’on donne aux partenaires, qui songent à la façon d’organiser leurs finances alors que leur union devient de plus en plus soudée, ont au moins un point en commun : peu importe la méthode, elle doit être fondée sur des communications franches et une vision partagée de leur objectif de vie.
« Quand il est question d’argent, il ne s’agit jamais simplement de dollars et de cents, affirme Stacy Yanchuk Oleksy, cheffe de la direction de Conseil en crédit du Canada.
« Lorsque les couples envisagent de mettre en commun leurs finances, ou même simplement de parler d’argent, ils doivent approfondir le sujet et ne pas s’en tenir strictement au budget. Ils doivent se poser des questions comme : Quel est mon rapport à l’argent? Quelles valeurs m’a-t-on inculquées par rapport à l’argent? Qu’est-ce que je veux que l’argent m’apporte? Qu’est-ce qui me stresse à propos de l’argent? Tous des sujets, pourtant intéressants, dont nous n’aimons pas parler. »
Les conversations fécondes menant à l’ouverture de comptes conjoints serait aussi être une façon d’améliorer une relation, explique Jenny Olson, professeure adjointe en marketing à la Kelley School of Business de l’Université de l’Indiana.
Mme Olson a piloté une étude publiée plus tôt cette année qui a révélé que les comptes conjoints conduisent réellement à de meilleures relations.
« Après deux ans, les couples qui avaient ouvert un compte conjoint menaient des vies plus enviables et avaient une meilleure qualité relationnelle. »
Ces résultats vont plus loin que ceux d’études précédentes, qui avaient seulement établi un lien entre les comptes conjoints et de meilleures relations, sans déterminer clairement lequel des deux survenait en premier.
L’étude de Mme Olson conclut qu’en plus de changer la façon dont les couples parlent d’argent, les comptes conjoints offrent d’autres avantages : la réduction des dépenses difficiles à justifier en raison d’une transparence accrue et, globalement, la consolidation de l’idée que la relation repose sur une assise partagée.
« L’argent est l’un des principaux motifs de divorce, rappelle Mme Olson.
« Quand on est sur la même longueur d’onde pour les questions financières, on en sort gagnant à long terme. »
Cependant, de moins en moins de gens semblent opter pour les comptes conjoints. Mme Olson cite des études réalisées au cours des 20 dernières années qui ont révélé qu’entre 52 % et 65 % des couples mariés et vivant ensemble utilisaient uniquement des comptes bancaires conjoints, tandis que de 10 % à 15 % affirmaient avoir des comptes complètement séparés.
En comparaison, selon un premier sondage de la Banque TD, 47 % des couples mariés ont fusionné leurs dépenses et leurs comptes, et un second sondage, mené l’an dernier, indique que 49 % des millénariaux n’avaient pas de compte conjoint avec leur partenaire.
Beaucoup de couples optent pour une solution mitoyenne, où les partenaires ont un compte partagé pour les dépenses du ménage, tout en conservant un compte personnel pour préserver leur autonomie.
Mais selon l’étude de Mme Olson, cette approche hybride n’était pas aussi fructueuse que des comptes entièrement fusionnés.
« Une des raisons pour lesquelles les couples qui avaient partiellement fusionné leurs finances réussissaient moins bien, c’est qu’en tentant de jouer sur les deux tableaux, ils ne s’impliquaient pas totalement. »
Elle précise toutefois qu’il y a de nombreux contextes dans lesquels ce n’est pas le meilleur choix pour un couple, par exemple lorsqu’il y a des enfants issus d’une relation passée ou des comptes bancaires d’entreprise.
En revanche, Mme Yanchuk Oleksy de Conseil en crédit du Canada recommande toujours aux partenaires de vie de garder un compte personnel et de continuer d’étoffer leur dossier de crédit, même si leurs finances sont mises en commun.
« C’est bien d’avoir des ressources conjointes, mais chaque partenaire devrait avoir son propre compte courant, ses propres épargnes et son propre crédit. »
Elle souligne que même si les comptes conjoints peuvent être assez facilement divisés suivant la législation provinciale en cas de rupture, le crédit et les dettes partagés restent à la charge des deux partenaires. D’où l’importance d’avoir une vraie conversation avant de contracter un emprunt conjoint.
Dans les cas où certains comptes sont combinés, Mme Yanchuk Oleksy assure qu’il est important de bien définir la contribution de chaque partenaire en fonction de son revenu.
Les deux membres du couple doivent également s’entendre clairement sur les dépenses qui peuvent être réglées à même le compte conjoint : sert-il seulement à l’épicerie et au logement, ou y puise-t-on également pour les dépenses personnelles?
La cheffe de la direction de Conseil en crédit du Canada recommande en outre de revérifier ensemble au moins une fois par mois si l’intégration des finances du couple fonctionne bien.
La planificatrice financière Natasha Knox conseille également aux partenaires de vie de toujours se garder de l’argent pour leurs dépenses personnelles.
Selon elle, les comptes conjoints permettent de mieux garder le cap sur les objectifs conjoints, mais les couples qui ont des comptes séparés peuvent également se faire une bonne idée de leur portrait financier global en se servant d’un tableur ou d’autres outils.
L’important, c’est la transparence, insiste-t-elle.
« Garder de l’argent pour soi, c’est bien, garder de l’argent à l’insu de l’autre, ce ne l’est pas. »
Quand on a des conversations sur les questions fondamentales, il est important de faire preuve d’une bonne écoute même s’il peut s’agir d’une dure vérité.
« Écoutez votre partenaire, accueillez ce qu’il ou elle a à dire, essayez d’être quelqu’un qui comprend l’autre sans jugement, conseille Mme Knox.
« Pendant une telle conversation, quand on écoute l’autre, il faut montrer de la retenue dans sa réponse, maintenir sa curiosité et son ouverture, et résister à la tentation de gronder, d’accuser ou de fuir par peur. »
Selon elle, ce n’est pas vraiment la façon dont les comptes bancaires fonctionnent qui détermine le résultat, mais bien la qualité de la communication sur les questions d’argent.
« C’est en effet un indicateur beaucoup plus fiable que le fait d’avoir des comptes conjoints ou hybrides, parce que lorsque les deux partenaires sont à l’aise à communiquer, ont l’intention de faire preuve de transparence et cherchent à atteindre les mêmes objectifs, les chances de former un ménage en santé, de jouir d’une bonne situation financière et d’avoir une relation harmonieuse sont nettement meilleures. »
Cet article de La Presse Canadienne a d’abord été publié en anglais le 7 septembre 2023.
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