D’ici 2050, la population mondiale devrait atteindre 9,7 milliards, ce qui fera augmenter la demande alimentaire sur la planète.
Outre les importants volumes de déchets organiques alimentaires et municipaux qui vont en résulter, l’accroissement de la demande mondiale de légumes, de fruits et de céréales va aussi faire augmenter la quantité de déchets agricoles. On estime que 60 % des aliments produits au Canada – soit plus de 35 millions de tonnes par année – aboutissent dans des sites d’enfouissement. Par contre, les villes canadiennes manquent aussi d’endroits pour se débarrasser de ces déchets qui s’accumulent.
Les déchets alimentaires posent des problèmes particuliers : émissions de gaz à effet de serre, odeurs nauséabondes, organismes nuisibles et fluides toxiques qui peuvent contaminer les sources d’eau. De plus, les dépotoirs municipaux s’étendent d’année en année et se rapprochent des lieux habités, ce qui peut causer des problèmes de santé aux personnes qui vivent à proximité.
Afin de résoudre le problème grandissant de l’élimination des déchets alimentaires, les chercheurs tentent de développer de nouvelles technologies qui utilisent les déchets alimentaires pour générer de l’énergie propre. Mon équipe et moi étudions notamment un processus appelé la gazéification de la biomasse.
Gazéification de la biomasse
La gazéification de la biomasse utilise la chaleur, l’oxygène, la vapeur ou une combinaison de ces éléments pour convertir la biomasse – déchets alimentaires et agricoles ou autres substances d’origine biologique – en un mélange gazeux qui peut être utilisé comme carburant.
Le processus consiste à introduire des déchets alimentaires semi-humides dans un récipient qui ressemble un peu à une grande marmite, où ils sont passés à travers une substance chaude et bouillonnante qui convertit les déchets en gaz combustible. Ce processus, appelé fluidisation, est très efficace pour convertir des déchets alimentaires en précieuses sources de gaz riche en énergie renfermant de l’hydrogène, du méthane, du monoxyde de carbone et du dioxyde de carbone, qu’on appelle aussi du gaz de synthèse. Le gaz de synthèse peut ensuite être utilisé pour produire de la chaleur et de l’électricité. Comme il est neutre en carbone, ce processus est considéré comme durable.
Les fermes, les villes et les municipalités pourraient adopter cette technologie durable pour diminuer leurs frais de chauffage et d’électricité. Elles pourraient aussi réduire substantiellement leur dépendance aux sites d’enfouissement et leur budget d’exploitation pour la gestion des déchets solides, qui peut atteindre près de 380 millions de dollars par année pour une ville comme Toronto.
Remplacer les énergies fossiles
L’utilisation des combustibles fossiles et de leurs dérivés a engendré une crise environnementale, principalement en raison des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère, qui sont à l’origine des changements climatiques. Alors que les gouvernements partout sur la planète adoptent des politiques climatiques qui restreignent ou taxent les émissions de gaz à effet de serre, il est important de remplacer les combustibles fossiles par d’autres sources d’énergie renouvelables, comme les déchets agricoles et alimentaires.
Bien que le gaz de synthèse puisse être utilisé comme le gaz naturel classique, qui est un combustible fossile à base de méthane, il s’en distingue par sa plus grande teneur en monoxyde de carbone et en hydrogène.
Ces gaz peuvent ensuite être convertis en produits chimiques d’origine biologique à haute valeur ajoutée, comme du méthanol et de l’ammoniac. La gazéification de la biomasse produit aussi du biocharbon, qui peut être utilisé pour améliorer la fertilité des sols.
Le gaz de synthèse produit varie selon le type de biomasse et de technologie utilisé. À titre d’exemple, la centrale canadienne d’Atikokan a produit 205 mégawatts d’électricité propre, soit assez pour alimenter environ 70 000 immeubles résidentiels et commerciaux.
Projets mondiaux
Des pays comme la Finlande, le Brésil, l’Italie, le Danemark et les États-Unis font figure de pionniers pour le développement de projets de gazéification de la biomasse durables et rentables et l’utilisation de déchets alimentaires pour produire de la chaleur, de l’électricité et des produits chimiques d’origine biologique. Au Canada, quelques entreprises produisent de l’énergie et des produits chimiques biologiques à partir de déchets municipaux, et 1,4 % de l’électricité du pays est produite à partir de la biomasse.
Le Costa Rica est un autre exemple. Comptant parmi les 20 plus grands producteurs de café dans le monde, le Costa Rica génère une quantité importante de déchets agricoles issus de cette production, et leur élimination cause de graves problèmes environnementaux. Actuellement, la solution passe par les technologies de gazéification de la biomasse, qui permettent de transformer la pulpe de café en chaleur et en électricité.
Les communautés de petite taille et isolées pourraient aussi tirer pleinement profit des technologies de gazéification de la biomasse pour réduire la quantité de déchets alimentaires qui s’accumulent dans leurs sites d’enfouissement, en produisant leur propre énergie et électricité et en réduisant considérablement leurs dépenses de services publics.
Une économie durable et circulaire
La gazéification de la biomasse est une stratégie durable et technologique qui transforme les résidus alimentaires en un produit à valeur ajoutée. C’est une étape vers une économie circulaire et la culture du zéro déchet.
Les politiciens et les gouvernements doivent appuyer les programmes de développement durable par de l’aide financière, des subventions et des incitatifs fiscaux. Ces programmes peuvent aussi encourager les particuliers et les entreprises à investir dans les technologies de gazéification de la biomasse afin de les développer à une échelle commerciale.
La gazéification de la biomasse rapproche les villes et les municipalités d’une solution définitive à leurs problèmes de gestion des déchets alimentaires. Elle permet aussi de répondre à la demande d’énergie et de remplacer les combustibles fossiles, et elle nous aidera à faire la transition vers une économie durable et circulaire.
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